29/11/2008
Effroyables jardins – Michel Quint (2000)
C'est l'histoire d'un garçon qui a honte de son père, un instituteur qui, à ses heures perdus, fait le clown amateur.
« Aussi loin que je puisse retourner, aux époques où je passais encore debout sous les tables, avant même de savoir qu'ils étaient destinés à faire rire, les clowns m'ont déclenché le chagrin. Des désirs de larmes et de déchirants désespoirs, de cuisantes douleurs, et des hontes de paria.
Plus que tout, j'ai détesté les augustes. Plus que l'huile de foie de morue, les bises aux vieilles parentes moustachues et le calcul mental, plus que n'importe quelle torture d'enfance. »
Jusqu'à ce dimanche après-midi où l'oncle Gaston, dans son patois du Nord, va révéler à l'adolescent sarcastique le sens de l'étrange vocation de son père. Une histoire de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale dont ils sont, le père et l'oncle, les protagonistes. Une de ses nombreuses petites histoires qui alimentent la Grande Histoire. Une histoire faite de gens simples, pas de héros. L'histoire de la rencontre entre un groupe de quatre otages français condamnés à mort et leur gardien allemand qui, pour tenir l'horreur à distance, a fait le clown.
Et le jeune garçon qui s'exaspérait de la médiocrité des adultes découvre la grandeur des hommes ordinaires et le pourquoi du costume de clown que son père revêt en un acte de mémoire, un acte de déférence.
Un style économique mais étincelant, une langue familière et expressive : Michel Quint livre ici, avec tendresse et pudeur, un récit tragicomique court et lumineux où l'essentiel se lit entre les lignes et où humour et dérision évitent le sentimentalisme. Son récit est une merveille de concision et d'intelligence, soixante pages à peine pour un condensé d'humanité.
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Michel Quint, Effroyables jardins, éd. Joëlle Losfeld, 2000, 62 pages, 5,50 €.
Les avis de Lily, Kalistina, Papillon, Karine :) et Laurence du Biblioblog.
14:16 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : effroyables jardins, michel quint, littérature française, clown, guerre, résistance, seconde guerre mondiale
07/10/2008
Impuretés – Philippe Djian [2005]
Evy est un ado, avec ses corollaires : un peu largué, pas mal désœuvré, bien mal dans sa peau, totalement obsédé et entièrement désabusé. Et mutique. Surtout mutique. Alors que tout le monde autour de lui, son père ex-écrivain et ex-drogué, sa mère ex-star de cinéma prête à tout pour un come-back, son grand-père psychanalyste retraité, ses amis, ses camarades, ses professeurs, ses voisins, même ses plus vagues connaissances, tout le monde attend de lui qu'il parle. Qu'il raconte ce qui c'est passé. Comment sa sœur, Lisa, s'est-elle noyée. Mais Evy se tait. « C'était un accident. » En savoir plus...
07:20 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : impuretés, philippe djian, littérature française, adolescence, deuil, famille
20/09/2008
Le papyrus de Venise – François Darnaudet (2006)
1878, Wyoming : Edward Drinker Cope, célèbre chasseur de dinosaures, fait une découverte déconcertante lors d'un chantier de fouilles.
2025, Venise : Monsieur Despons, antiquaire-libraire et trafiquant d'œuvres d'art, est engagé pour retrouver un manuscrit perdu.
25 juin 1876, Little Big Horn : les hommes du 7e régiment de cavalerie de l'US Army du lieutenant-colonel Custer affrontent une coalition de Cheyennes et de Sioux.
24 novembre 1870, Paris : le poète Lautréamont meurt alors que le Second Empire s'effondre.
A travers les siècles et les continents, les géants descendants des atlantes s'opposent aux énigmatiques Hommes en noir. L'enjeu : un mystérieux papyrus qui prouverait l'existence de la mythique Atlantide et révèlerait ainsi l'histoire oubliée des origines des civilisations. Découvrir la suite...
17:55 Publié dans => Lire & délires | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : le papyrus de venise, françois darnaudet, littérature française, fantastique, atlantide, lire & délires
11/09/2008
Le Montespan – Jean Teulé (2008)
Genre : cocasse roman presque historique
« Louis-Henri, être cocu, c'est la chance de votre vie. »
Ce Louis-Henri-là, c'est Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, époux de LA Montespan, célébrissime favorite de ce coureur de jupons de Louis XIV. Pour Louis-Henri, quelle chance ! Car au temps du Roi-Soleil, avoir sa femme dans le lit du monarque est un privilège ! Sauf que Louis-Henri ne l'entend pas ainsi. Car Louis-Henri est passionnément amoureux de sa Françoise voyez-vous, et il ne consent pas à la partager, serait-ce avec le Roi ! Il défie donc l'autorité royale, refuse les honneurs et prébendes, est indifférent aux menaces et procès, aux emprisonnements, à la ruine et aux tentatives d'assassinat : pour récupérer sa femme, il brave l'homme le plus puissant de la planète. Il fait repeindre son carrosse en noir et l'orne d'énormes ramures de cerf, il s'introduit de nuit dans la chambre de la reine afin de lui faire ce que le Roi se permet de faire à son épouse, il organise les funérailles de son amour défunt... Bref, il magnifie son état de cocu !
Truffé d'anecdotes aussi rocambolesques que croustillantes, navigant entre véracité historique, expressions d'époques et plume très contemporaine au style cru et sec (quoique le trait soit parfois un peu forcé), ce roman, ni vraiment historique, ni réellement romanesque, est drôle et atypique. Car la révolte du marquis cornu contre le fait du prince est désopilante ! Cet homme dont l'infortune n'a eu d'égale que son opiniâtreté à tenter de préserver son honneur, cet homme plein de panache, prêt à tout plutôt qu'à renoncer, est un personnage à la fois pathétique et grandiose, un héro excessif et superbe, ridicule et touchant. Un personnage extravagant, un naïf au cœur pur, en décalage avec la société dans laquelle il vit où l'on trompe sans états d'âme et trahit sans vergogne, à l'image de leur maître à tous, Louis XIV, le roi des dépravés.
Bref, une bien jolie farce !
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Jean Teulé, Le Montespan, éd. Julliard, 2008, 352 pages, 20 €.
Du même auteur : Darling & Le Magasin des Suicides.
12:25 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : le montespan, montespan, la montespan, jean teulé, littérature française, littérature contemporaine, roman, roi, cocu, louis xiv, roi soleil
20/08/2008
La fausse veuve – Florence Ben Sadoun (2008)
« Aujourd'hui je suis plus vieille que toi alors que j'avais neuf ans de moins que vous. »Le livre débute ainsi et plonge d'emblée le lecteur dans la perplexité : qui est "je" ? Qui est "tu" ? Qui est "vous" ? "Je", la narratrice, est-ce l'auteur elle-même, Florence Ben Sadoun, directrice de la rédaction de Première, journaliste à ELLE et chroniqueuse cinéma à France Culture ? Et cet homme tuvoyiez et voutoyez à l'envie, qui est-il ? Cet homme, c'est l'amant de la narratrice, victime il y a une dizaine d'année d'un accident vasculaire qui l'a plongé dans un coma profond et dont il est sorti atteint du "locked-in syndrome", esprit prisonnier de son propre corps. Cet homme, on finit par le deviner même si son nom n'est jamais cité, c'est Jean-Dominique Bauby, l'auteur de Le scaphandre et le papillon qu'il rédigea par battements de paupière. Derrière la destinée largement médiatisée d'un personnage, Florence Ben Sadoun raconte l'homme, son homme, et l'histoire qui leur a été volée. Ce que furent leur amour, leurs moments de bonheur, et aussi les doutes et le désespoir des tête-à-tête muets à l'hôpital. Plus qu'un roman, ce livre est un témoignage, une revendication de l'auteur afin de se réapproprié leur histoire.
Ce livre est particulièrement déroutant : tutoyant et vouvoyant dans la même phrase son amant disparu et ne le désignant jamais par son nom, sur-stylisant son écrit, juxtaposant sans chronologie des bribes éparses d'anecdotes décontextualisées, l'auteur sème le trouble et la confusion. Il est bien difficile de s'impliquer dans cette histoire décousue et de se sentir en empathie. En outre, plus que l'amour qu'elle portait à cet homme et sa douleur de l'avoir perdu, c'est la colère de l'auteur qui prédomine son récit. Son dépit et son amertume d'avoir été "écartée" de la biographie officielle de son amant, son écoeurement et son désarroi face à la récupération médiatique de leur histoire (« Qui a autorisé des inconnus qui ne t'ont jamais connu debout, ni parlant, ni touchant, à s'approprier ta vie et tes secrets, à malaxer la mienne au passage dans le sens qui les arrange, pour en faire leur œuvre ? ») et son besoin de reconnaissance, elle qui ne fut "que" la maîtresse, la fausse femme, donc aujourd'hui la fausse veuve.
Ce témoignage est fondamentalement dichotomique : d'un côté l'auteur dénonce la surmédiatisation de l'accident de son amant (articles de presse, livres, documentaires et adaptation cinématographique), d'un autre côté elle y participe de fait avec ce récit qui va forcément relancer l'attention des médias. Alors, quel est le but réel de ce livre et a qui s'adresse-t-il ? Certainement pas au lecteur lambda placé de force dans la position inconfortable du voyeur mis en accusation. Il s'agit plutôt d'une lettre ouverte à son amant disparu, entre déclaration d'amour, auto-justification et récrimination. Un exutoire, un cahier de doléances péremptoire, plein d'aigreur et passablement égocentré. Dans sa revendication certes justifiée au statut de victime du drame, l'auteur semble parfois oublier qu'elle n’a pas été la seule victime. Je ne doute pas de sa sincérité, mais son récit manque de douceur et de tendresse. C'est un trop plein de douleur, d'amertume et de ressentiment.
Extraits
« Un soir chaud de juin, quand tu as quitté votre femme, vous m'avez dit : "Attention, pas de blague, vous et moi, c'est pour la vie." Et ce fut pour la mort. Sans blague. »
« Alors ces inconnus que je n'aurai pas aimé croiser dans un dîner parlent de vous. Parlent de toi. Non pas du vrai toi mort depuis dix ans, mais d'un toi vulgarisé. C'est ton nom qui sonne comme une carcasse vide, devenu celui d'un personnage de film, un héros qu'ils ont l'impression de connaître. Ils en sont convaincus. Je ne le supporte pas. J'ai la chair de poule. Je ne bouge pas, j'écoute comme si mon esprit sortait de mon corps et allait s'asseoir à leur table pour entendre, décortiquer, vomir sur ce qu'ils disent. Le bruit m'empêche de tout saisir. Je réagis à des mots clés : "C'est dingue, toutes ces femmes autour de lui, il paraît qu'il avait beaucoup d'humour ? Quel drame horrible ! Moi je préférerai mourir ! Et tu as vu le dévouement extraordinaire de sa femme ?" Sa femme ? Laquelle ? Je pleure, me cache derrière mes lunettes de vue qui grossissent l'effet des larmes. Ce sont des larmes de perte, perte de mon histoire intime, des larmes de braise sur mon deuil réactivé, des larmes mouillées de tristesse infinie, qui coulent toutes seules hors de moi. Qui a le droit de nous déposséder de notre histoire en émiettant notre intimité autour d'un club sandwich ? Qui gagne quoi et surtout combien en falsifiant la réalité ? »
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Florence Ben Sadoun, La Fausse Veuve, éd. Denoël, 2008, 107 pages, 13 €.
Ce livre m'a été offert par Chez les filles et les éditions Denoël.
Les avis de Frisette, Cathulu, Valdebaz et Cécile de Quoide9.
11:20 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : la fausse veuve, florence ben sadoun, littérature française, autobiographie, deuil, maladie, amour, maîtresse